La Croatie a franchi un cap historique en octobre 2015 en devenant le premier pays des Balkans à légaliser le cannabis à usage médical. Dix ans plus tard, quel bilan peut-on tirer de cette avancée ? Retour sur une décision pionnière dans la région et sur ses conséquences pour les patients croates.
Un pas décisif vers une médecine plus intégrative
À l’époque, c’est un comité médical du ministère croate de la Santé qui avait recommandé l’introduction du cannabis dans le parcours de soins, s’appuyant sur les avancées scientifiques disponibles. L’objectif était clair : offrir une alternative thérapeutique aux patients atteints de pathologies lourdes comme le cancer, le VIH, la sclérose en plaques ou certaines formes d’épilepsie infantile.
Les médecins croates ont ainsi été autorisés à prescrire du cannabis médical sous différentes formes : médicament, infusion ou pommade contenant du THC. La limite mensuelle fixée à 0,75 g de THC pur par patient (équivalent à environ 5 g d’herbe) visait à encadrer strictement l’usage médical, sans encourager une consommation récréative.
Un marché en construction… lentement
En 2015, la Croatie ne disposait d’aucun producteur local ni distributeur pour le cannabis médical. Les premières importations de produits à base de THC ont mis plusieurs mois à se mettre en place. À l’époque, le ministère de la Santé avait dû autoriser les grossistes pharmaceutiques à importer temporairement les produits depuis l’étranger, le temps de créer un cadre légal viable pour le marché intérieur.
Depuis, quelques laboratoires croates se sont lancés dans la culture sous licence et la transformation de cannabis à des fins médicales, mais le développement reste timide. En cause : une réglementation stricte, des investissements limités, et une demande encore marginale.
Quels usages sont autorisés aujourd’hui ?
Dès le début, l’utilisation du cannabis médical en Croatie a été réservée à des indications précises :
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soulagement des douleurs chroniques liées au cancer,
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traitements complémentaires pour le VIH/Sida,
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gestion de la spasticité liée à la sclérose en plaques,
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réduction des crises sévères d’épilepsie infantile.
L’usage chez les patients atteints de troubles psychiatriques, de formes classiques d’épilepsie, ou de la maladie de Parkinson, a été déconseillé par les autorités de santé.
Aujourd’hui encore, les prescriptions restent encadrées et doivent être délivrées exclusivement par un médecin spécialiste, avec un suivi régulier. Les produits sont dispensés en pharmacie hospitalière, sur ordonnance sécurisée.
Une évolution lente, mais continue
Dix ans après la légalisation, la Croatie n’est pas devenue un leader du cannabis thérapeutique. Mais le pays a conservé une approche prudente et structurée, permettant un accès progressif et sécurisé aux patients.
En 2023, le Parlement croate a débattu d’un élargissement potentiel des indications thérapeutiques, notamment pour les douleurs chroniques non cancéreuses ou les troubles anxieux résistants aux traitements. À ce jour, aucun amendement n’a encore été adopté en ce sens.
Les discussions sur une ouverture au cannabis récréatif restent en revanche marginales. La Croatie maintient une ligne de démarcation stricte entre usage médical et usage non médical.
Un pionnier discret dans les Balkans
Si la Croatie n’a pas explosé le marché du cannabis médical, elle reste l’un des précurseurs dans la région, devant la Serbie ou la Bosnie-Herzégovine, où le sujet reste encore très tabou.
Elle pourrait rejoindre à moyen terme d’autres pays européens ayant franchi le pas d’une réglementation plus souple(comme l’Allemagne ou Malte), à condition d’assouplir certains aspects de sa législation : production locale, formation des médecins, diversité des produits disponibles.
En résumé
✅ La Croatie a légalisé le cannabis médical en 2015, devenant un pays pionnier dans les Balkans.
✅ L’usage est limité à des pathologies sévères et reste très encadré.
✅ L’accès est possible uniquement sur prescription, avec des produits délivrés en pharmacie.
✅ Le marché national progresse lentement, sans réelle explosion à ce jour.