Cannabis en Italie : histoire, usages et législation

Cannabis en Italie : histoire, usages et législation

Le cannabis en Italie est au cœur d’un paradoxe tenace. D’un côté, une histoire millénaire lie la péninsule à la culture du chanvre, ressource industrielle et agricole majeure. De l’autre, un labyrinthe législatif complexe oscille entre répression, tolérance et timides ouvertures, créant une situation juridique souvent floue pour les consommateurs comme pour les producteurs. Entre les avancées du cannabis thérapeutique et les batailles juridiques autour du CBD, l’Italie se cherche une voie, tiraillée entre son héritage et les enjeux contemporains de santé publique, d’économie et de sécurité.

Histoire du cannabis en Italie : des origines à nos jours

Une plante ancrée dans la tradition

Loin de l’image sulfureuse qu’on lui associe aujourd’hui, le chanvre, ou canapa en italien, a longtemps été une culture fondamentale pour l’Italie. Dès l’Antiquité, les Romains l’utilisaient pour confectionner des cordages robustes pour leurs navires et des textiles résistants. Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle, documente déjà ses usages variés. Au Moyen-âge et à la Renaissance, l’Italie, et plus particulièrement les républiques maritimes comme Venise et Gênes, devient l’un des plus grands producteurs de chanvre au monde. Cette plante était indispensable à la puissance navale et commerciale de la péninsule. La fibre servait à la fabrication :

  • Des voiles et des cordes pour les bateaux.
  • Des vêtements pour la population.
  • Du papier de haute qualité.

Cette tradition agricole a perduré jusqu’au début du 20e siècle, faisant de l’Italie le deuxième producteur mondial de chanvre industriel, juste derrière la Russie.

Le déclin d’une filière historique

Le tournant s’opère après la Seconde Guerre mondiale. L’arrivée des fibres synthétiques, comme le nylon, et la pression internationale croissante en faveur de la prohibition des stupéfiants ont eu raison de cette culture ancestrale. Les campagnes de diabolisation, largement influencées par les États-Unis, ont amalgamé le chanvre industriel et la marijuana psychotrope, conduisant à un abandon quasi total des champs de canapa. C’est ainsi qu’une plante qui avait façonné une partie de l’économie et de la culture italienne pendant des siècles est tombée en désuétude.

Ce riche passé industriel et agricole contraste fortement avec les débats scientifiques qui ont commencé à émerger au cours du siècle suivant, où la plante n’était plus seulement vue comme une fibre, mais comme une substance aux propriétés pharmacologiques intrigantes.

Le 19e siècle : l’essor scientifique autour du cannabis

Les premières explorations médicales

Alors que la culture du chanvre battait son plein pour ses applications industrielles, le 19e siècle a vu naître un intérêt scientifique marqué pour les propriétés médicinales du cannabis en Europe. L’Italie n’a pas fait exception. Des médecins et des botanistes italiens ont commencé à étudier les extraits de la plante, fascinés par leurs effets sur le système nerveux. Les recherches se concentraient principalement sur ses capacités analgésiques, sédatives et anti-inflammatoires. On explorait son potentiel pour traiter des maux variés, allant des douleurs chroniques aux troubles du sommeil, en passant par les spasmes musculaires.

Un consensus difficile à atteindre

Malgré cet engouement initial, l’usage médical du cannabis est resté relativement marginal. Plusieurs obstacles se dressaient sur la route des chercheurs. Le principal défi était l’absence de standardisation des préparations. La concentration en principes actifs variait énormément d’une plante à l’autre et d’une préparation à l’autre, rendant les effets imprévisibles et difficiles à doser. De plus, la communauté médicale restait divisée, certains médecins louant ses vertus tandis que d’autres mettaient en garde contre ses effets psychotropes. Ce manque de consensus a freiné son intégration dans la pharmacopée officielle, le cantonnant à un rôle de remède de niche avant que le siècle suivant ne vienne bouleverser radicalement son statut légal.

Cet intérêt scientifique, bien que mitigé, a posé les premières pierres d’un débat médical qui resurgira bien plus tard, après une longue période de prohibition stricte imposée au cours du 20e siècle.

L’évolution législative du cannabis au 20e siècle en Italie

De la prohibition à la tolérance

Le 20e siècle a été le théâtre d’un revirement complet. Sous l’influence des conventions internationales et de la « guerre contre la drogue » américaine, l’Italie a adopté des lois de plus en plus répressives. La loi de 1954, puis la loi Fini-Giovanardi de 2006, ont instauré une politique de tolérance zéro, ne faisant quasiment aucune distinction entre drogues douces et drogues dures et prévoyant de lourdes peines pour la possession et le trafic. Cependant, la société italienne a évolué. Les mouvements de contre-culture des années 60 et 70 ont ouvert un débat public sur la libéralisation, et la jurisprudence a progressivement adouci l’application de la loi.

La décriminalisation de l’usage personnel

Un tournant majeur a eu lieu en 1993, lorsqu’un référendum a conduit à la décriminalisation de la possession de petites quantités pour usage personnel. La détention n’était plus un crime pénal, mais une infraction administrative, passible de sanctions comme la suspension du permis de conduire ou du passeport. Cette approche pragmatique visait à désengorger les tribunaux et à se concentrer sur la lutte contre le trafic à grande échelle. Le tableau ci-dessous résume les grandes étapes de cette évolution.

Année Événement législatif ou social Impact principal
1954 Première loi majeure sur les stupéfiants Instauration d’un cadre répressif strict.
1993 Référendum sur la dépénalisation La possession pour usage personnel devient une infraction administrative.
2006 Loi Fini-Giovanardi Retour à une politique très répressive, annulant la distinction entre drogues douces et dures.
2014 Invalidation de la loi Fini-Giovanardi Retour au cadre législatif antérieur, plus souple pour l’usage personnel.

Cette valse législative a créé un climat d’incertitude, mais a aussi ouvert la porte à une reconnaissance plus formelle des applications thérapeutiques de la plante.

Usage médical du cannabis en Italie : réglementation et application

Un cadre légal strict pour les patients

L’Italie a officiellement légalisé l’usage du cannabis à des fins médicales en 2007. La loi autorise les médecins à prescrire des préparations à base de cannabis pour des patients souffrant de pathologies spécifiques, lorsque les traitements conventionnels se sont avérés inefficaces. La production, l’importation et la distribution sont sous le contrôle strict de l’État, gérées par l’Institut chimique et pharmaceutique militaire de Florence. Cette centralisation vise à garantir la qualité et la sécurité du produit fourni aux patients, mais elle a aussi entraîné des pénuries récurrentes.

Les conditions d’accès au traitement

L’accès au cannabis thérapeutique est encadré et n’est possible que sur ordonnance médicale. Les pathologies éligibles varient légèrement d’une région à l’autre, mais incluent généralement :

  • La douleur chronique et neuropathique, notamment dans les cas de sclérose en plaques et de lésions de la moelle épinière.
  • Les nausées et vomissements provoqués par la chimiothérapie, la radiothérapie ou les traitements contre le VIH.
  • La stimulation de l’appétit dans les cas de cachexie, d’anorexie ou de cancer.
  • L’effet hypotenseur dans le glaucome.
  • La réduction des mouvements involontaires liés au syndrome de Gilles de la Tourette.

Malgré ce cadre, l’accès reste complexe pour de nombreux patients, en raison du nombre limité de médecins prescripteurs et des coûts qui ne sont pas toujours pris en charge par le système de santé national. Cette ouverture médicale a néanmoins relancé le débat public sur un usage plus large, y compris récréatif.

Légalisation du cannabis récréatif : enjeux et perspectives

Le statut ambigu du « cannabis light »

Le cannabis à usage récréatif reste illégal en Italie. Cependant, une loi de 2016 sur la culture du chanvre industriel a involontairement ouvert une brèche. En autorisant la production et la vente de chanvre avec une teneur en THC inférieure à 0,5 %, elle a permis l’émergence d’un marché florissant de « cannabis light » ou « canapa light ». Ces produits, vendus légalement dans des milliers de boutiques spécialisées, ne sont pas destinés à être fumés selon la loi, mais sont commercialisés comme des « objets de collection » ou des « produits techniques », un flou juridique qui a permis au secteur de prospérer.

Les tentatives de légalisation complète

Au cours des dernières années, plusieurs tentatives de légalisation complète de l’usage récréatif ont eu lieu. Des propositions de loi ont été déposées au parlement et un référendum a même été organisé en 2022 pour abroger les peines liées à la culture domestique et à la possession. Cependant, la Cour constitutionnelle a jugé le référendum irrecevable. Le débat reste vif, opposant ceux qui y voient une source de revenus fiscaux et un moyen de lutter contre le marché noir, à ceux qui craignent des conséquences négatives pour la santé publique. L’avenir du cannabis récréatif en Italie demeure donc très incertain, suspendu aux décisions politiques et judiciaires à venir.

Cette incertitude ne touche pas seulement le cannabis à fort taux de THC, mais s’étend également à son cousin non psychotrope, le CBD, qui fait face à ses propres turbulences réglementaires.

Débat autour du CBD en Italie : vers une redéfinition légale

Le coup de froid du décret d’août 2023

Alors que le marché du « cannabis light » et des produits à base de cannabidiol (CBD) connaissait une croissance exponentielle, un décret ministériel daté du 21 août 2023 est venu jeter un pavé dans la mare. Ce texte a classé les compositions orales à base de CBD dans la catégorie des stupéfiants, menaçant de facto l’existence de nombreux produits comme les huiles de CBD. Cette décision a provoqué une levée de boucliers de toute la filière, des agriculteurs aux vendeurs, qui dénoncent une mesure disproportionnée et économiquement désastreuse. Ils argumentent que le CBD n’a pas d’effets psychotropes et que cette classification est scientifiquement infondée.

La répression de la filière « canapa light »

Ce durcissement réglementaire s’est accompagné d’actions sur le terrain. L’exemple le plus marquant fut le festival « Canapa Mundi » de 2023, un événement majeur pour les professionnels du chanvre. Les autorités y ont mené des perquisitions et distribué des amendes, une opération perçue par beaucoup comme une tentative d’intimidation et de répression d’un secteur économique légal et dynamique. Ce climat de confusion juridique et de pression politique place l’industrie du CBD italienne dans une position précaire, en attente de clarifications de la part des tribunaux et du législateur pour savoir si elle pourra continuer à opérer.

Le parcours du cannabis en Italie est celui d’une plante aux multiples facettes, dont le statut n’a cessé de se transformer au fil des siècles. Ressource agricole et industrielle historique, elle est devenue un sujet de recherche scientifique, puis une substance prohibée avant de retrouver une légitimité partielle dans le domaine médical. Aujourd’hui, le pays est à la croisée des chemins, confronté à l’épineux dossier de l’usage récréatif et à la bataille juridique pour la survie de la filière CBD. L’avenir dira si l’Italie choisira la voie d’une réglementation claire et pragmatique ou si elle maintiendra le statu quo, fait d’ambiguïtés et de contradictions.

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